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Interrogée par un résistant diois, Jean Abonnenc[1], Marguerite Légaut retrace, en 2004, la vie aux Granges-de-Lesches durant la seconde guerre mondiale[2]. Voici les extraits concernant cette période :

« Pendant la guerre et après, nous n’avons jamais été plus de dix-sept et malgré cela, nous avons eu souvent faim.

Nous n’avons jamais eu de problèmes religieux. La menace qui pesait sur tant de personnes physiquement faisait un peu des questions religieuses un luxe. Nous n’avons eu que quatre juifs pendant presque toute la guerre et quelques passages. Il y a eu mes beaux-parents, trois enfants, quatre ou cinq juifs, de jeunes alsaciens, un allemand (neveu de Molke [sic ??? pour le général prussien, c’est Moltke) et beaucoup de passage… [Mon mari] n’a jamais fait de résistance. Un des dirigeants lui avait demandé de ne pas venir parce que mon mari était capitaine et le dirigeant résistant n’était pas aussi gradé. En plus, je ne pense pas que cela l’aurait beaucoup intéressé.

Ce qui me frappe beaucoup, c’est de repenser à ce qu’on croyait alors et qui maintenant paraît une aberration : on disait quand les allemands arriveront, on attellera les bœufs à la charrette et on partira dans la montagne. Je ne sais si cette déformation en concerne que nous ou si c’est général : si un certain nombre de personnes manquait de réalisme comme nous.

En face de la maison, de l’autre côté de la vallée, on avait construit une cabane où les plus menacés pouvaient aller dormir. Il y avait une grande porte à glissière et on disait à ceux qui dormaient dans la cabane « si la porte à glissière est ouverte c’est que vous pouvez descendre, si non, ne descendez pas ». Mais jamais les allemands ne sont venus. 

Nous avons eu souvent faim. On mangeait des feuilles de betterave, des topinambours  en disant « c’est comme du fond d’artichauts ou encore de la vesce. On avait peu de pommes de terre et comme on interdisait la chasse, ce sont les sangliers qui mangeaient les pommes de terre.

Les paysans faisaient du beurre avec de la crème de lait de chèvre. Cela faisait longtemps que la terre n’était plus travaillée, il n’y avait plus d’engrais et une quinzaine de moutons ne donnent guère de fumier. »

 

[1]                Il n’est pas trop tard pour parler de Résistance.

[2]                Le document est aux Archives de la Drôme, coté 327 J 368. Je remercie le directeur des archives et son personnel de la mise à disposition d’une copie.